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Noam Chomsky: l’État islamique, fruit de la politique américaine au Moyen-Orient

Pour la revue Jacobin, le professeur Noam Chomsky évoque les origines de l'EIIL et explique pourquoi les USA et leurs alliés sont responsables de son apparition.

Il y a quelques jours paraissait l'interview d'un ex-agent de la CIA, Graham Fuller, l'un des meilleurs analystes du Moyen-Orient. Son titre: "Les USA ont créé l'EIIL" – aujourd'hui l'une des milliers de théories du complot qui circulent au Moyen-Orient.

Cette fois la source de cette théorie est complètement différente: elle vient de Noam Chomsky, c'est-à-dire directement du cœur de l'establishment américain. Ce dernier précise qu'il ne veut pas dire que les USA ont donné vie à l'EIIL avant de le financer. Il explique que les États-Unis ont créé le contexte et les conditions pour le développement du mouvement terroriste.

En 2003, les USA et le Royaume-Uni ont commis un grave crime en envahissant l'Irak. Les Irakiens comparent cette attaque à l'invasion de la horde mongole un millénaire plus tôt. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées, on compte des millions de réfugiés, d'individus déplacés, sans compter que le patrimoine et la richesse archéologiques du pays depuis l'époque des Sumériens ont été anéantis.

Parmi les conséquences de l'invasion on notera la politique d'incitation au conflit religieux interethnique. Les forces d'invasion et leur directeur civil Paul Bremer ont élaboré un excellent plan: diviser les sunnites, les chiites et les Kurdes et les pousser à s'entretuer. Quelques années après l'invasion, le pays était déchiré par un puissant et violent conflit interethnique.

La dynamique naturelle des conflits de ce genre conduit à ce que les éléments les plus radicaux prennent le dessus, qui viennent du territoire d'un important allié américain: l'Arabie saoudite, ou l'Etat islamique le plus radical et le plus extrémiste du monde. Comparé à Riyad, l'Iran est un pays tolérant et moderne, sans parler des États laïques du Moyen-Orient.

La version radicale de l'extrémisme saoudien est la doctrine qui a été reprise par l'EIIL, qui a idéologiquement grandi à partir de la forme la plus extrémiste de l'islam, dans sa version saoudienne.

L'Arabie saoudite n'assure pas simplement une base idéologique à l'EIIL, mais finance aussi cette organisation. Non pas le gouvernement saoudien directement mais des Saoudiens aisés, des Koweïtiens aisés et d'autres, qui soutiennent financièrement et idéologiquement les groupes djihadistes qui font aujourd'hui leur apparition un peu partout dans le monde.

On peut affirmer qu'au fur et à mesure de l'évolution de ce conflit ils feront preuve d'un extrémisme de plus en plus prononcé, et que les organisations les plus cruelles et les plus irréconciliables arriveront au pouvoir. C'est exactement ce qui se produit quand la violence devient un moyen d'interaction. Voilà d'où est né l'EIIL. Si ce mouvement était éliminé, il laisserait la place à des organisations encore plus extrémistes.

La presse, par contre, reste docile. Dans son allocution du 10 septembre 2014, le président américain Barack Obama a pris deux pays comme exemples de réussite de la stratégie américaine de lutte contre le mouvement clandestin: la Somalie et le Yémen. Je pense que beaucoup sont restés bouche bée après ces propos, mais la presse n'a strictement rien dit à ce sujet le lendemain.

La situation en Somalie est particulièrement terrible et tout va relativement mal au Yémen. La Somalie est un pays très démuni. Je ne parlerai pas de son histoire. Mais parmi les plus grandes réussites de l'administration Bush dans sa politique de lutte antiterroriste, dont on s'est particulièrement vanté, figure la fermeture de l'organisation caritative Barakat, qui alimentait le terrorisme en Somalie. La presse était très excitée à l'époque. C'était un véritable succès.

Mais les faits ont commencé à faire surface quelques mois plus tard. Il s'avère que cette organisation caritative n'avait rien à voir avec le terrorisme en Somalie mais qu'elle était directement liée aux affaires bancaires, au commerce, à l'aide humanitaire et aux hôpitaux. Elle aidait l'économie somalienne affaiblie et complètement appauvrie à rester à flot. En fermant Barakat, l'administration Bush a mis fin à tout cela. Voici quelle a été sa contribution à la lutte contre le terrorisme. Voilà ce qu'ils ont fait avec la Somalie. Ces informations n'ont pourtant mérité quelques lignes dans la presse et on les retrouve dans les livres sur les finances internationales.

A une époque les prétendus "tribunaux islamiques", l'organisation islamique, avaient réussi à rétablir une certaine paix en Somalie. Ce n'était pas le meilleur des gouvernements, mais il était pacifique et les gens le reconnaissaient plus ou moins. Mais les USA n'ont pas réussi à s'y faire et ont soutenu l'invasion des troupes éthiopiennes pour détruire ce système et instaurer une fois de plus le chaos en Somalie. Quel succès! Et le Yémen a lui aussi sa propre histoire en matière d'horreurs.

Source : http://fr.sputniknews.com/international/20150218/1014775967.html#ixzz3SAp7fKPr

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