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L’imposture écologique de l’Union européenne a vécu. Pour sauver la planète, sortez du capitalisme !

Il y a peu encore, ses représentants semblaient vouloir entraîner le reste du monde sur la voie de la réduction des gaz à effet de serre et de l’efficacité énergétique. Ils ne juraient que par le développement durable ou l’économie « verte ». Ils jouaient la comédie aux tribunes des sommets internationaux pour convertir les brebis égarées (Chine, États-Unis, Canada, Australie...) aux bienfaits de la révolution écologique.

Pour ceux qui y ont cru, la désillusion est douloureuse.
Aujourd’hui, en pleine crise économique, il n’est question que d’autoriser de nouvelles plantes génétiquement modifiées, de favoriser l’extraction des gaz de schiste, d’adapter les normes environnementales aux exigences libre-échangistes des multinationales américaines dans le cadre du grand marché transatlantique en cours de construction. A l’image de « l’Europe sociale », « l’Europe verte » n’aura pas lieu [1].

La gauche radicale écologiste devrait admettre que son projet de société se heurte frontalement à cet autre projet de société : celui d’une construction européenne vouée au capitalisme, au productivisme, au libre échange et à la libre concurrence.

Malheureusement, cette prise de conscience est encore loin d’être accomplie. Car nous avons tous été intoxiqués par cette pensée unique : l’Europe c’est la paix et la fraternité ; les Nations, c’est la guerre et le repli sur soi. Mais où est la fraternité lorsque des dirigeants allemands proposent à la Grèce de vendre ses îles pour payer sa dette ?

Où est le repli sur soi lorsque le Venezuela reconquiert fièrement sa souveraineté nationale pour, ensuite, créer l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), un processus d’intégration de pays d’Amérique latine basé sur la justice et la solidarité ?

La « nouvelle gauche » de l’après Mai-68, les écologistes puis les altermondialistes ont tellement voulu dépasser le cadre national qu’ils ont défendu par principe le supranationalisme, et notamment la construction européenne [2]. Or, s’il est évident que le cadre national est bien trop étroit pour traiter les grands problèmes mondiaux (la pauvreté, la paix, l’environnement...), on ne voit pas en quoi le transfert de souveraineté résout quoi que ce soit.

Au contraire, l’ordre juridique et monétaire européen s’impose aujourd’hui aux États membres et empêcherait toute sortie du capitalisme. Une gauche radicale qui arriverait au pouvoir et voudrait interdire les OGM, stopper les dégâts de l’agriculture productiviste, réduire la consommation matérielle, développer les services publics, taxer véritablement les richesses... n’aurait d’autre choix que de désobéir au traité de Lisbonne et aux centaines de directives ultralibérales adoptées depuis l’Acte unique de 1986.

Il n’est plus l’heure de prendre nos désirs pour des réalités. Il est noble et respectable d’espérer, dans l’absolu, une Europe démocratique, écologique et sociale ou une Organisation mondiale du commerce soucieuse du bien-être des peuples. Mais il n’est plus possible de bâtir une stratégie politique sur cette seule espérance.

Nous avons besoin de démondialiser l’économie pour changer de système, et ni l’actuelle Union européenne ni les institutions financières internationales ne l’accepteront. Il faut donc passer outre, en restaurant les outils de la souveraineté populaire : un ordre juridique et monétaire national, autonome, au service du peuple.

Il n’est évidemment pas question de concurrencer les partis xénophobes et nationalistes sur leur terrain, mais bien de s’inspirer de la stratégie sud-américaine : rompre nationalement, prouver par l’action qu’un socialisme écologique est effectivement possible, soutenir les mouvements progressistes en Europe et ailleurs, et créer, dès que les conditions politiques le permettront, des espaces d’action plurinationaux.

Les tenants du système tentent de nous convaincre que la France n’en a pas les moyens, quelle serait isolée et s’enfoncerait dans la crise. Rien n’est plus faux, à condition d’aller jusqu’au bout de la rupture et de penser simultanément ces deux processus : la démondialisation et la construction de nouvelles coopérations entre États.

Mettons en place du protectionnisme pour relocaliser l’agriculture et l’industrie. Contrôlons les mouvements de capitaux pour taxer et répartir les richesses. Sortons de l’euro et refusons de payer la dette illégitime. Exproprions les multinationales françaises (Total, Bouygues, Vinci, AXA, la Société Générale...) et utilisons ces nouvelles firmes publiques pour développer de véritables solidarités internationales prenant enfin en compte la dimension écologique.

Montrons que le meilleur moyen de soutenir les peuples du Sud n’est pas d’acheter leurs productions à bas prix, mais de stopper l’impérialisme des firmes françaises à l’étranger.

Tout ceci est nécessaire et possible. Encore faut-il que la gauche radicale accepte de se débarrasser, avant toute chose, du carcan libéral dans lequel l’Union européenne l’a enfermée.

Notes

1- François Denord, Antoine Schwartz, L’Europe sociale n’aura pas lieu, Raison d’agir, 2009.

2- Aurélien Bernier, Comment la mondialisation a tué l’écologie, Mille et une nuits, 2012.

Source : Courriel à Reporterre

Aurélien Bernier est l’auteur de La gauche radicale et ses tabous, Seuil, 2014.

Photo : Les Amis de la Terre

Lire aussi : Le coup de gueule de Naomi Klein contre l’alliance des écolos et des capitalistes : http://www.reporterre.net/spip.php?article4700
L’Europe capitaliste n’est pas l’Europe ; Une seule alternative possible : le Socialisme du XXIème siècle
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