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Les progrès techniques permettent aujourd’hui la pêche d’un tout petit crustacé jusque là épargné. De lui dépendant les baleines, phoques, calmars, poissons et oiseaux de mer... Déjà, l’industrie de la pêche arme de nombreux navires.

Krill est un mot norvégien, inventé par les baleiniers, qui signifie « nourriture des baleines ». Le krill est en réalité le nom générique de quatre-vingt-cinq espèces de petits crustacés de la famille des euphausiacés, dont Euphausia superba, le fameux krill antarctique qui grouille dans l’océan Austral.

Zooplancton des eaux salées ou saumâtres, le krill est présent sous toutes les latitudes et dans toutes les mers du monde. Bien qu’il soit très petit, sa quantité considérable en fait un maillon indispensable des réseaux trophiques marins.

Clé de voûte de l’écosystème austral, le krill antarctique est une sorte de « petite crevette » dont se nourrissent les baleines, mais aussi les calmars, les manchots, les oiseaux de mer, les phoques et de nombreux autres mammifères marins : dauphins, orques, cachalots, ainsi que des gros poissons comme le thon, l’espadon, le saumon… à qui il transmet sa couleur rose.

Qualités nutritionnelles

L’espèce Euphausia superba possède d’exceptionnelles qualités nutritionnelles. Outre sa richesse en protéines et une forte teneur en acide gras Oméga-3, elle contient un antioxydant puissant (l’astaxanthine) et un cocktail de vitamines (B, E et D), de minéraux (fer, cuivre…) et d’oligoéléments (iode…). Ses qualités nutritionnelles exceptionnelles, associées à son abondance, en font une nouvelle source potentielle de protéines animales pour l’homme.

Euphausia superba est, en masse, l’espèce la plus abondante sur Terre et l’une des dernières grandes ressources sauvages de la planète. Le krill antarctique représente une biomasse de plus de 500 millions de tonnes de matière vivante, c’est-à-dire environ cinq fois le volume total des poissons pêchés et élevés chaque année dans le monde.

À l’avenir, Euphausia superba pourrait être l’une des réponses aux besoins alimentaires de la population mondiale en forte augmentation. De quoi susciter bien des convoitises…

Objet de convoitises

Les premiers essais de pêche au krill réalisés par les Russes et les Japonais dans les années 1970 ont rencontré des problèmes techniques la rendant peu rentable, ce crustacé de petite taille exigeant des filets fins, compliqués d’utilisation et coûteux en énergie.

De plus, sa fragilité provoque l’écrasement des organismes et sa carapace, qui contient des protéines légèrement toxiques, doit être rapidement retirée pour que la chair soit consommable par l’homme, ce qui requiert une manutention supplémentaire délicate et onéreuse.

Durant cette période, le krill a tout de même été pêché en complément de la pêche à la baleine. Utilisé broyé et mélangé à la pâte de poisson composant le surimi, il a ainsi fait une brève apparition dans l’alimentation humaine.

Aujourd’hui, les progrès technologiques permettent à l’industrie de la pêche d’armer des bateaux capables de capturer des proies de plus en plus petites, en vue de compenser la diminution de la ressource des grands prédateurs qui se raréfient les uns après les autres.

Plusieurs navires ont été ainsi convertis en pêcheurs de krill, à l’image d’un chalutier norvégien de 135 mètres de longueur qui peut prélever et transformer jusqu’à 250 tonnes de krill par jour !

Cette flotte, norvégienne mais aussi chinoise, polonaise, russe, ukrainienne, coréenne et japonaise, sillonne l’océan Antarctique dans l’objectif d’une pêche estimée à 400 000 tonnes d’Euphausia superba pour la campagne 2011-2012.

Comment éviter le pillage

Jusqu’à présent, le krill était peu ou prou épargné, protégé des filets grâce au manque de rentabilité de sa pêche. Aujourd’hui, il laisse au contraire envisager de très substantiels profits et motive de considérables investissements… pour un prélèvement espéré considérable ! Mais aucune ressource n’étant inépuisable, s’annonce le risque d’un pillage incontrôlé, comme l’ont connu certains gros poissons aujourd’hui menacés de disparition.

La particularité d’Euphausia superba est sa position centrale dans l’écosystème antarctique, sa place à la base de la chaîne alimentaire rendant ce zooplancton indispensable non seulement aux baleines, mais aussi à la majeure partie des animaux de l’océan Austral.

Contrairement aux grands prédateurs, la raréfaction du krill provoquerait un manque à manger pour de nombreuses espèces supérieures susceptibles de disparaître à leur tour. Et l’on assisterait alors au saccage du pôle Sud, l’une des dernières régions de la planète où l’équilibre naturel semble encore préservé.

Mesurée, la pêche au krill peut être une solution pour nourrir le monde

Une autre voie est possible, qui, loin d’interdire, choisit la bonne mesure, avantageuse pour tous. Car l’enjeu n’est pas seulement écologique. L’intérêt d’un prélèvement raisonné est aussi économique et les industriels de la pêche l’ont sans doute compris, investissant dans cette activité avec des objectifs à long terme.

Une pêche respectueuse des capacités de reproduction naturelle de l’espèce pourrait assurer son renouvellement et donc son exploitation dans la durée. La masse de krill est telle qu’elle pourrait être ponctionnée sans conséquences dans une certaine limite estimée par les scientifiques. À condition que le plafond, une fois déterminé, soit respecté par l’ensemble de la flotte.

Dans ce cas, et dans ce cas seulement, cette ultime manne de protéines animales disponible en abondance dans l’océan pourrait être une nouvelle source de nourriture providentielle pour la population mondiale.

Bien gérée, la pêche au krill pourrait compenser les déficits dus à la surexploitation des ressources halieutiques et représenter l’une des solutions pour relever le défi humain des besoins alimentaires planétaires. Car, sans rêver, dans une démarche au service de l’homme, il est possible demain de nourrir l’humanité entière avec les protéines de la mer.

Le krill, patrimoine mondial de l’humanité

Le krill pourrait être l’un des premiers acteurs de ce projet, car son avantage est de se situer près de la base de la chaîne alimentaire. De nombreux scientifiques expliquent que si l’on veut ponctionner des protéines animales dans un écosystème marin, mieux vaut les prendre chez des espèces les plus proches possible du plancton végétal, plutôt que parmi les grands poissons prédateurs dont les proies, et les proies des proies, en ont consommé beaucoup plus.

C’est le cas d’Euphausia superba qui se nourrit directement de phytoplancton et fournit de la matière vivante en abondance. Ainsi, extraire un faible pourcentage de cette masse énorme représenterait une énorme quantité, avec peu d’incidences sur les réseaux trophiques supérieurs. Il serait donc possible de profiter de cette manne de krill grâce à une gestion intelligente qui consisterait tout simplement à prélever avec mesure, sans déséquilibrer l’ensemble.

Il est de l’intérêt de l’homme de protéger cette richesse alimentaire de l’océan qui, bien gérée, peut être une solution d’avenir pour nourrir la population mondiale grandissante. Dans cet objectif, des scientifiques proposent que cette dernière ressource naturelle de la planète non encore exploitée soit considérée comme patrimoine mondial de l’humanité.

Source : Article transmis amicalement par la revue L’Ecologiste.

Pierre Mollo est enseignant-chercheur, spécialiste du plancton et Anne Houry, réalisatrice de documentaires.

Photos : . Chapô : L’Ecologiste . Krill Omega 3 :

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